04/01/2014
De la racaille [alerte orange]
La vie est une source de la joie ; mais où la racaille s'invite, toutes les sources sont empoisonnées.
Ma faveur est sur toute chose pure ; mais je n'aime pas voir les gueules grimaçante des impurs, ni leur soif.
Ils ont jeté les yeux au fond des sources :à présent le reflet de leur sourire qui me répugne étincelle sur l'eau des sources.
Et ils ont empoisonné l'eau sacrée, avec leur lubricité ; et quand ils ont appelé joie leurs rêves obscènes ils ont empoisonné les mots aussi.
La flamme ne veut pas, s'ils déposent leurs cœurs humides sur le feu ; même l'esprit bouillonne et fume, partout où la racaille s'approche du feu.
Le fruit dans leur main devient douceâtre et plus-que-trop-mûr : quand leur regard se pose sur lui d'un coup l'arbre à fruits est prêt à tomber dans le vent et il se dessèche à la cime.
Et plus d'un qui s'est détourné de la vie ne s'est détourné que de la racaille : il n'a pas voulu partager la source, la flamme et le fruit avec la racaille.
Et plus d'un qui s'en est allé au désert souffrir de la soif avec les fauves, n'a simplement pas voulu s'asseoir autour de la citerne parmi les chameliers crasseux.
Et plus d'un qui est venu pour réduire à néant, comme un orage de grêle s'abattant sur tous les vergers, n'a voulu que mettre son pied sur la racaille et lui clouer le bec.
Et ce qui m'a le plus étouffé lorsqu'il m'a fallu l'avaler ce n'est pas de savoir qu'a la vie même sont nécessaires les ennemis, la mort et le martyre en croix: ‒
Mais je me suis demandé un jour et ma question a manqué m'étrangler : Comment ?
Est-ce que sont nécessaires les sources empoisonnées et les feux puants et les rêves obscènes et les larves dans le pain de la vie ?
Ce n'est pas ma haine, mais c'est mon dégoût qui me ronge la vie ! Hélas, souvent j'en ai eu assez de l'esprit ‒ toutes les fois que j'ai trouvé la racaille elle-même pleine d'esprit !
Et j'ai tourné le dos à ceux qui règnent quand j'ai vu ce qu'aujourd'hui ils appellent régner : trafiquer et marchander le pouvoir ‒ avec la racaille !
Parmi des peuples d'autres langues j'ai vécu les oreilles bouchées : pour que me reste étrangère la langue de leur trafic ‒ et leur marchandage autour du pouvoir.
Et j'ai traversé avec réticence en me tenant le nez bouché tout ce qui est d'hier et d'aujourd'hui : et vraiment tout ce qui est d'hier et d'aujourd'hui empeste la racaille qui écrit !
Pareil à l'infirme qui est devenu muet, aveugle et sourd : ainsi ai-je longtemps vécu, pour ne pas vivre avec la racaille des gens de pouvoir, des gens de plume et des débauchés.
Mon esprit a gravi des escaliers avec peine, et prudemment ; les aumônes de la joie étaient son réconfort ; appuyé sur le bâton : ainsi passait sa vie d'aveugle.
Est-ce mon dégoût qui m'a donné des ailes et le pouvoir d'approcher les sources ? En vérité j'ai dû voler vers la plus haute des hauteurs pour retrouver la source de la joie.
Oh, je l'ai trouvée, mes frères ! Ici, sur la plus haute des hauteurs, la source de la joie coule pour moi ! Et il y a une vie où la racaille ne vient pas s'abreuver elle aussi.
Ton flot est presque trop violent pour moi, source de la joie ! Et souvent tu renverses ta coupe en voulant la remplir.
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